Photos © Peter E. Greutert – tous droits réservés
Les photographies de la montre, prises à arrivée à l’atelier. Une inspection visuelle du boitier et de son mouvement, sorti de la carrure pour l’occasion, a permis de dresser un état des lieux. Cela constitue la base pour établir un devis le plus près de la réalité que possible. Mais on ne sait jamais ce que Murphy nous réserve : il a plus d’un tour dans son sac !
Chapitre1 – DÉMONTAGE
7 mars 2020
Première journée à l’établi, consacrée au démontage de la répétition. Chaque étape est scrupuleusement photographiée et la position de vis que l’on pourrait confondre ou le sens d’enroulement des ressorts sont consignés dans mon carnet de notes.
On commence par sortir le mouvement de sa carrure, pour ensuite déposer les aiguilles et retirer le cadran en émail. Ce dernier est fendu, mais ce défaut sera grandement estompé lors du nettoyage.
8 mars 2020
Le démontage continue, pas à pas. Chaque pièce est photographiée avant démontage, ce qui permettra de reprendre la séquence en partant de la fin pour reconstituer le mécanisme.
Visionner “à l’envers” la séquence de l’ensemble des photos du démontage donne l’impression de reconstruire la montre. En seulement 70 secondes !
Chapitre 2 – NETTOYAGE
13 mars 2020
Le nettoyage comporte des phases bien distinctes :
1. Examen des pièces à la loupe pour s’assurer de leur intégrité.
2. Prélavage aux ultra-sons, pour débarrasser les grosses saletés et graisses.
3. Lavage suivi de deux rinçages et séchage à l’air chaud.
4. Replacer toutes les pièces dans la boite de tri.
Chapitre 3 – REPARATIONS
14 mars 2020
Le boitier a besoin d’être réparé : il est cabossé en de nombreux endroits et le couvercle cache-poussière est complètement voilé. Deux difficultés apparaissent immédiatement :
1. Il faut des outils spéciaux, en acier poli, pour décabosser un boitier et ça ne se trouve plus, ou très rarement. Bref, je n’ai pas cet outillage.
2. Intervenir sur la forme d’un boitier requiert un bon coup de main. En l’absence d’outillage et d’expérience j’avais pensé confier ce travail à un artisan bijoutier. Je n’en ai pas trouvé dans ma région. Il y a bien de nombreuses bijouteries, mais le “bijoutier” n’est souvent qu’un vendeur, ou alors il n’est pas équipé pour les boitiers de montre.
J’ai donc décidé de fabriquer mon outillage et de m’essayer à sortir ces bosses. Ce ne peut pas être pire qu’avant… Mais cela requiert de démonter le boitier, autre aventure non planifiée et pleine de dangers : vis récalcitrantes, charnières qui ne sortent pas, etc.
16 mars 2020
Toutes les bosses ont pu être récupérées. Le résultat est à 99% et il faut vraiment jouer avec la lumière pour deviner l’emplacement des anciennes marques. Je suis très satisfait de l’efficacité de mes tasseaux en buis.
19 mars 2020
Le couvercle cache-poussière était voilé comme une roue de vélo après sa rencontre malheureuse avec le muret ! Deux heures au four à 250°, bien lesté avec une barre de laiton et refroidissement lent ont eu définitivement raison de la déformation.
27 mars 2020
Ces réparations ont eu lieu en cours de remontage.
L’aiguille du chronographe est trop courte d’environ 10mm. Il est très difficile, voire impossible de trouver une pièce de rechange qui convienne. Je vais tenter de braser une rallonge à l’aiguille.
28 – 29 mars 2020
Allongement de l’aiguille du chronographe. J’ai trouvé un donneur qui cédera son extrémité, laquelle sera brasée sur l’aiguille trop courte. Une opération délicate, mais finalement assez rapide.
Le mélange d’aiguilles bleues et de grandes aiguilles dorées étant dépareillé, j’ai pris l’option d’effectuer un placage or 18ct des aiguilles du chronographe et des secondes.
Chapitre 4 – REMONTAGE
22 mars 2020
Le remontage commence par l’installation d’un ressort neuf dans le barillet. Suit la pose du train de rouages (roue de centre – roue intermédiaire – roue des secondes – roue d’échappement), maintenu par le pont de barillet. Il est possible dès lors de tester la bonne marche, libre de frottements, du train de rouages.
Quelques pièces plus tard, c’est au tour du balancier de reprendre sa place. Il démarre immédiatement, lui qui était bloqué depuis des lustres. Quel plaisir que de vivre cet instant !
23 mars 2020
Remontage de la fonction du chronographe ainsi que du ressort de sonnerie. Ce dernier fut particulièrement délicat à remettre dans son barillet. Mais tout est bien qui finit bien !
24 mars 2020
Mise en place du mécanisme d’actionnement de la sonnerie.
Ce que ne montrent pas les photos, c’est tout le temps “perdu” à effectuer de petites opérations en marge du remontage :
– trouver le bon outil, à essayer souvent entre plusieurs variantes,
– fabriquer l’outil manquant,
– ranger l’établi,
– chercher la bonne pièce parmi la centaine à disposition. Heureusement que j’ai les photos faites lors du démontage…
– vérifier la bonne marche sur l’appareil de mesure,
– re-nettoyer une pièce particulièrement sale,
– faire et développer les photos,
– écrire le reportage et le publier,
– etc.
Ce sont ainsi des heures entières qui s’envolent, sans faire avancer le projet. Et tout à coup il fait nuit et quand je regarde l’heure à mon poignet, la montre affiche 23h !
Brevet n°13247
Ce mouvement affiche autour du barillet un numéro de brevet sur sa platine. Après recherches il s’avère qu’il s’agit du mécanisme d’action de la sonnerie par poussoir, déposé le 18 janvier 1897, au nom de C. Barbezat-Baillot, au Locle (Suisse).
25 mars 2020
Une grosse journée de réglages de la sonnerie. Il a fallu redémonter tout le mécanisme de sonnerie, car ce que j’avais assemblé “comme c’était avant” ne fonctionnait pas. Une vérification et réglage élément par élément s’imposait.
– Régler et vérifier le libre jeu de l’étoile des heures et son positionnement correct par le sautoir. Ce n’est qu’après de longs réglages et de nombreuses observations au binoculaire que chaque heure se positionnera correctement.
– Vérification et réglage du libre jeu de la surprise sur le limaçon des quarts / minutes.
– Vérification du bon fonctionnement du râteau des heures. Il a fallu ajuster le jeu du marteau pour que le râteau passe lors de l’armage, ainsi que la position “au repos” du barillet de sonnerie. Lors de ce contrôle je remarque qu’une dent manque sur le rouage sur l’arbre de barillet. Sans conséquence heureusement, car les dents devant et derrière celle qui est brisée assurent la continuité de l’engrenage. Un point à surveiller et corriger lors du prochain service !
– Vérification du râteau des quarts et des minutes. Ajustage du jeu du marteau correspondant.
– Vérification finale : chaque heure, quart d’heure et minute doit sonner le bon nombre de coups.
– Remplacer la goupille de l’arbre de barillet de sonnerie. Avec tous ces réglages, l’ancienne goupille a fini par céder.
On comprend mieux, au vu de tous ces étapes, l’intensité du travail de réglage.
La journée se termine tard la nuit, avec le cerclage du mouvement ainsi que la pose provisoire d’aiguilles et des gongs pour les photos.
Chapitre 5 – PHOTOS FINALES
26 mars 2020
Les premières photos finales rendent hommage au mouvement, avant son emboitage. Elles furent faites tard dans la nuit du 25 mars et publiées le lendemain seulement.
27 mars 2020
Une nouvelle série de photos, après emboitage du mouvement. Il ne manque que l’aiguille du chronographe (voir plus haut, chapitre 3 – Réparations) et la pose des couvercles pour terminer ce projet.
29 – 30 mars 2020
La série de photos finales. Le projet est ainsi terminé.
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